Il y avait quelques rangées de boîtes enfouies les unes sur les autres sans grande attention. Un bazard dans une chambre trop petite, un amas de trucs personnels que seule la personne concernée pouvait trouvé utiles. Un livre des finissants, des CD de musique choisies avec précautions, des touts récents et d'autres qui laissèrent imaginer les goûts douteux de la jeunesse. Une vieille couverture à fleur au couleur pastel qui dégageait une odeur bien particulière, celle de draps rangés depuis un temps dans une armoire, tout près des détergents à lessive, des amouples électriques et autres babioles, mélangé à une odeur de carton. Je touchai le tissu usé et infiniment doux, serrai les doigts autour de l'étoffe. En continuant mon exploration, je trouvai également de vieux bijoux, un coffret en bois qui sentait l'encens, de vieilles cartes de fêtes, une boîte remplie d'objet divers, tel que des cordons de chaussures, des clous, des boutons et... deux sellières à l'effigie de 2 petits cochons.
"Je les collectionnais, avant. J'aimerais te donner ceci pour que tu aies quelque chose qui te fasse penser à moi."
Si elle savait comme elle n'avait pas besoin de me donner quoi que ce soit, mon souvenir d'elle restera intacte pour toujours, mais je me souvins sourire en les prenant dans mes mains. Je me rappellai alors vaguement sa cuisine, avant. Il y avait un miroir juste au-dessus de son évier et à droite de celui-ci, une toute petite tablette fixée au coin sur lequel trônait un bibelot de petit cochon dans une maisonnette. Lorsque je faisais la vaisselle, je le tournais toujours de sorte que son arrière-train fut en premier plan. Dans ma tête, personne ne semblait le remarquer, ça me faisait rire encore plus. Chaque fois que j'y retournais et faisais la vaisselle, je remarquai que quelqu'un avait pris la peine de le replacer. Donc, comme une habitude, une tradition... Je le retournai, encore et encore.
Jusqu'à ce qu'un jour, il n'y ait plus de petit cochon dans la maisonnette. Et mes visites chez elle s'espacèrent, les semaines devenant des mois, les mois devenant plusieurs mois. Elle me manque. Même en l'a voyant, elle me manque. C'est que je sais profondément que l'on ne se reverra jamais plus de la même façon.
Je continuai mes fouilles avec un pincement au coeur, un petit souvenir refaisant surface à chaque objet soulevé. J'étais heureuse de savoir que je ne trouverai rien de lui, ayant pris la précaution de mettre le tout dans une boîte différente. Je trouvai un album photo qui me fit flotter un moment. Les gens n'ont plus ça, des albums photos. Tout est numérique et si ils ont des photographies à montrer, ce sont sur facebook ou quoi encore. Un léger parfum de colle et d'encre venait me chatouiller les narines à chaques pages que je tournai. Je revis mon frère sa femme et ma petite nièce, des photos de leurs mariages, des amis chers que je ne vois plus très souvent, un ancien amant... et lui.
Il y avait longtemps de cela, nous étions accompagné de son ami Math, il avait encore les cheveux longs. Comme des gamins se souciant très peu du danger, ils avaient descendu le boulevard Laurier en direction du pont Bouchard sur leur planche. En théorie, il n'y avait probablement rien de dangereux là dans mais l'idée d'aller à une vitesse relativement élevé près d'un boulevard sur quelque chose d'aussi instable qu'une planche ne me fit pas totalement plaisir. Je courru quand même derrière eux, le sourire aux lèvres. Je pris un cliché de lui, sous le pont de chemin de fer. Il n'a jamais aimé cette photo mais moi, je le trouvais beau à mourir. Je refermai l'album photo doucement.
J'arrêtai d'ouvrir les boîtes, de déplacer les objets précieux. J'arrêtai en me disant que chaques choses me ramenaient inmanquablement dans le passé. Même délicieux, je ne voulais pas m'en souvenir, pour l'instant. Pas tant que je le détesterais. Ma jeunesse lui appartenait, que je le veuilles ou non. Ma jeunesse et une partie de ma vie. Même en le détestant, je ne pouvais nier ce fait. Résignée, je quittai la pièce. Tout le monde m'avait dit de ne pas dépenser autant d'argent pour ramener ces boîtes au bercail. Mais tout l'or du monde ne m'aurait ramené ces precieux témoins de ce qu'avait déjà été ma vie. Je suis heureuse de l'avoir fait. Il n'y a pas si longtemps et pourtant...
Je sortis de la pièce et fermai la porte sans même regarder derrière moi.